Pour cette analyse de roman, j’ai choisi « L’armée furieuse » de Fred Vargas, pour une raison très simple, c’est que je viens juste d’en terminer la lecture. J’ai trouvé cet ouvrage dans une boite à livres que je visite régulièrement depuis que ma médiathèque est fermée. Et je dois dire que je suis surpris de trouver des livres intéressants et différents à chaque passage. J’alimente aussi cette boite de livres que j’ai lu et que je ne peux ni donner ni jeter. La lecture de « l’armée furieuse » n’est donc pas un choix délibéré, mais plus le fruit d’un demi-hasard, puisque je connaissais déjà l’auteur.
Résumé (pitch) de l’armée furieuse
Genre : roman policier
Éditions Viviane Hamy – 2011
Le commissaire Adamsberg est aiguillé sur une curieuse enquête dans le bocage normand, hors de son champ d’action habituel normalement limité à Paris.
Intrigué par une jeune femme qui vient lui raconter une histoire de revenants vengeurs à dormir debout, il se rend à Ordebec, un petit village normand où fleure bon les légendes et le terroir.
La légende court qu’un ancien Seigneur est à la tête d’une armée de fantômes qui viennent régulièrement punir les crimes impunis en tuant leurs auteurs. Une première personne est assassinée, puis une deuxième, semant à la fois le doute, la perplexité, mais surtout la terreur parmi les habitants.
Il va s’en suivre toute une série de meurtres dont le commissaire Adamsberg aura toutes les peines du monde à démêler l’écheveau.
Les personnages de l’armée furieuse
Le commissaire Adamsberg.
Officiellement commissaire de la Brigade Criminelle, c’est en quelque sorte un anti-héros. Il ne s’encombre pas de preuves, d’enquête minutieuse, ni surtout d’un système déductif. Sa méthode relève plus de l’intuition, voire presque de la divination. Il interroge les suspects de manière désinvolte, recueille les indices avec négligence et laisse décanter l’affaire jusqu’à ce que la solution apparaisse tout d’un coup avec l’évidence d’une image photographique sortant du bain de révélateur.
« Le commissaire Adamsberg avait une sorte de tranquillité détachée assez déroutante. Elle pouvait présenter tous les signes d’une inattention et d’une indifférence choquantes ».
Les autres personnages de l’armée furieuse se répartissent en deux catégories : les partenaires ou collègues du commissaire, et les habitants du village, qui sont tous plus ou moins suspects.
Les partenaires sont assez caricaturaux, entre une assistante obèse et caractérielle, un lieutenant insomniaque et un brigadier « qui ne tenait pas la route », jusqu’à être qualifié de « crétin complet » par ses collègues.
L’ex-lieutenant Louis Veyrenc
Collègue du commissaire. Ils sont originaires de la même région des Pyrénées. Ce qui semble expliquer qu’il soit lui aussi sujet à « des éloignements inexpliqués, une obstination opiniâtre, parfois massive et silencieuse, éventuellement ponctuée de colères. »
Le Commandant Danglard
Doté d’une mémoire encyclopédique, il connaît par exemple « tous les noms des chefs et sous-chefs des gendarmeries et des commissariats de France ». Il sert de référence et de documentation au commissaire.
Quant aux habitants d’Ordebec, leurils sont dessinés à grands traits de personnalités. Mais restent néanmoins tout à fait crédibles et attachants.
L’intrigue de l’armée furieuse
L’intrigue de l’armée furieuse ressemble étrangement à son personnage principal, un peu erratique. Le commissaire mène conjointement plusieurs enquêtes qui vont plus ou moins s’imbriquer les unes dans les autres de manière subtile.
Le commissaire débute par une enquête d’une vieille assassinée par son mari avec de la mie de pain. Laquelle mie a soit disant été mangée par les rats, animaux de compagnie dudit mari, aux dires de ce dernier. Ce qui pose tout de suite l’ambiance, mais aussi la méthode d’investigation particulière du commissaire. Il pose des questions décalées qui ont l’air anodines et dénuées de sens. Mais qui en réalité, cachent un esprit de déduction qui touche droit au but et trouve rapidement la solution.
L’intrique principale démarre de manière inhabituelle. Le commissaire remarque une femme maigre et timide qui attend sur le trottoir en face de l’entrée du commissariat. Il va pour l’aborder, tout en accordant son attention à un pigeon blessé qu’il va recueillir. Il la fait rentrer au commissariat et l’interroge de manière négligente. Elle s’appelle Valentine Vendermot. Et a fait le voyage depuis Ordebec, un petit village de Normandie, où se passent d’étranges choses. Elle raconte à demi-mots le premier meurtre qui a eu lieu, lié la légende de l’armée furieuse, ainsi que ses craintes de meurtres à venir.
« L’armée furieuse » alias Mesnie Hellequin tirée du folklore populaire médiéval
Ce conte fantastique issue du folklore populaire médiéval a été fixée par Ordéric Vital au XIe siècle dans son Histoire Ecclésiastique sous le titre la Mesnie Hellequin. Et plus précisément, il détaille l’aventure du prêtre Gauchelin. Ce dernier raconte avoir vu passer une armée de démons torturants des personnes récemment décédées pour les punir de leurs crimes.
Fred Vargas développe un peu cette légende par l’intermédiaire de la mémoire prodigieuse de Danglard.
Après avoir confié le pigeon blessé aux bons soins de son fils Zerk, le commissaire Adamsberg, intrigué par ce meurtre et cette légende, se rend en Normandie. Il parcourt les cinq kilomètres du chemin de Bonneval où l’armée furieuse fait ses apparitions. Mais il n’y décèle rien de spécial, mais se laisse imprégner par l’ambiance mystérieuse des lieux. À son retour, il croise une vieille dame du nom de Léone qui a l’air de savoir beaucoup de choses. Et notamment que Lina, la fille de Valentine Vendermot qui a vu l’armée furieuse est en danger. Surtout maintenant qu’il y a eu un premier meurtre, et qu’elle a annoncé les prochaines victimes sur la liste.
L’intrigue continuera à mêler subtilement l’histoire du sauvetage du pigeon, de la protection d’un innocent qui part en cavale avec Zerk, pour le protéger d’une mise en accusation trop évidente.
Le style de l’armée furieuse
« L’armée furieuse » est écrit dans un style assez sobre, basé surtout sur les dialogues. Les descriptifs sont assez succincts et n’interviennent souvent que pour poser rapidement le cadre de l’action. Ou pour résumer de manière brève quelques événements importants. Ce qui fait que la lecture est assez aisée. Fred Vargas se concentre principalement sur la narration des différents éléments de son intrigue, un peu comme son personnage, sous une apparente désinvolture. Mais il ne faut pas s’y tromper. C’est avec une parfaite maîtrise que Fred Vargas nous entraîne au fin fond des forêts mystérieuses de Normandie, avec ses histoires d’adultères, de vengeance et de séduction.
Que penser de l’armée furieuse ?
Fred Vargas utilise de manière subtile des éléments narratifs venant d’horizons différents. Comme cette référence à la tradition locale, qui fait ici très « terroir ». Mais surtout à cette légende issue tout droit du passé médiéval qui fait penser aux légendes du Graal et au Val sans Retour.
Sinon, l’intrigue est intéressante, menée de manière parfaitement maîtrisée. Contrairement aux personnages eux-mêmes qui ont l’air perdus et dépassés par ce qui leur arrive. Le lecteur a parfois du mal à suivre le chemin de pensée du commissaire. Et pourtant, tous les éléments du genre sont présents, mais amenés de manière décalée. Le lecteur peine à en démêler les fils, tout en se laissant porter par la narration. La fin et le dénouement sont assez surprenants, car quelques rebondissements vont remettre en cause les premières conclusions de l’enquête.
« L’armée furieuse » sait se jouer des codes du genre policier, tout en y restant… sur la corde raide. Par contre d’autres éléments apportent une ambiance particulière qui fait toute la spécificité des écrits de cet auteure.
Connaissiez-vous cette légende ? Aimez-vous les contes fantastiques médiévaux ? Avez-vous lu « l’armée furieuse » ? N’hésitez pas à nous dire ce que vous en pensez dans les commentaires.